Du nouveau sur l’évasion à la prison civile de Saint-Marc : de sérieux soupçons émergent
Des questions fondamentales sont soulevées après l'évasion à la prison civile de Saint-Marc. L'exécution de deux prisonniers importants, membres du parti Ayiti An Aksyon AAA de l'ancien sénateur Youri Latortue, l'incendie des archives du centre carcéral pourraient être à la base de l'événement.
L’organisation KONSA basée à Saint-Marc, a récemment publié une note dénonçant l’évasion survenue à la prison civile de Saint-Marc le 16 août 2024. Saluant le courage et la compréhension de la population de Saint-Marc, KONSA revient sur les événements qui ont conduit à cet incident. Selon les informations relayées, une grande agitation aurait éclaté à l’intérieur de la prison, entraînant l’évasion de nombreux détenus, dont certains auraient été exécutés ou blessés.
Les autorités locales de Saint-Marc dans le département de l’Artibonite, en fournissant des explications à la presse, ont déclaré que cette agitation aurait eu lieu pendant que les policiers faisaient prendre une douche aux prisonniers. Ces derniers auraient alors refusé de retourner dans leurs cellules en raison de la faim. Ce serait à ce moment précis que les prisonniers se seraient emparés de plusieurs armes des policiers, incendiant ainsi les services de la prison et blessant les policiers chargés de leur surveillance. D’autres sources affirment que les prisonniers n’auraient pas reçu de nourriture depuis plusieurs jours en raison d’une grève des agents de l’APENA, bien que le commissaire du gouvernement ait précisé que cette grève n’avait duré qu’une journée. Ces divergences au sein des autorités montrent que la situation est loin d’être claire.
Plusieurs citoyens résidant aux abords de la prison auraient observé, dès les premières heures de la journée, la présence de plusieurs hommes lourdement armés circulant à moto, ainsi qu’une voiture aux vitres teintées patrouillant à proximité de la prison. Ces véhicules semblaient prêts à récupérer des détenus privilégiés avant que l’évasion ne se produise. Ces observations ont provoqué une grande inquiétude au sein de la communauté.
KONSA rappelle également qu’une semaine avant l’évasion, une grande tension était déjà palpable parmi les autorités locales, marquée par les dénonciations du vice-délégué qui accusait publiquement des hommes armés de se livrer à des enlèvements, des assassinats et des arrestations arbitraires dans la juridiction, avec le soutien des autorités judiciaires et policières de la commune. Ce même vice-délégué avait d’ailleurs admis soutenir ces hommes armés.
D’autres sources ont dénoncé le vice-délégué lui-même, affirmant qu’il soutient des hommes armés, selon deux enregistrements audio circulant sur les réseaux sociaux. Cela soulève des questions sur une possible lutte interne parmi les autorités locales pour le contrôle des bandits et des hommes lourdement armés.
Des zones d’ombre autour de l’exécution de deux détenus membres du parti Ayiti An Aksyon (AAA) et l’incendie des archives de la prison
Le plus troublant dans cette affaire, c’est que KONSA a appris que les prisonniers Junior Barthélemy alias Aboulò et Ady Gaston, deux membres du parti Ayiti An Aksyon (AAA), impliqués dans des affaires de criminalité auraient été exécutés avant que l’agitation n’éclate à l’intérieur de la prison. Cette agitation aurait donc été orchestrée – pour justifier la mort d’Aboulò, impliqué dans une autre agitation où plusieurs hauts responsables du pays auraient également été impliqués.
En effet, l’agitation qui a éclaté à l’intérieur de la prison a permis à plusieurs détenus de s’évader. Certains d’entre eux, dont Junior Barthélemy alias Aboulò et Ady Gaston, avaient été arrêtés le 14 mai 2023. Ils étaient accusés d’association de malfaiteurs et de possession illégale d’armes à feu, des accusations qui les reliaient à des actes de violence graves dans la région. Une arme saisie lors de leur arrestation appartenait à la compagnie de sécurité de l’ex-sénateur Youri Latortue, le leader du parti AAA. Ce dernier est accusé de complicité dans ces affaires, ainsi que d’autres crimes, notamment l’incendie du Tribunal de Première Instance (TPI) de sa ville natale, les Gonaïves.
Le Mandat d’amener émis contre Youri Latortue
Le 19 janvier 2024, le juge instructeur Louima Louidort a émis un mandat d’amener contre l’ex-sénateur Youri Latortue. Cette décision fait suite à la non-comparution de l’ancien conseiller du président Michel Martelly au Tribunal de Première Instance des Gonaïves, malgré une convocation pour être entendu dans le dossier impliquant Aboulò et Ady Gaston. Latortue est accusé de complicité d’assassinat, de complicité d’incendie, d’association de malfaiteurs, de faux et d’usage de faux. Ce mandat d’amener a été remis à la Direction Départementale de l’Artibonite (DDA) de la Police Nationale d’Haïti (PNH).
En mai 2023, les arrestations de Aboulò et Ady Gaston avaient déjà suscité beaucoup d’inquiétude dans la région, notamment en raison des liens présumés avec des figures politiques de haut rang. L”émeute à la prison de Saint-Marc, ravive les tensions autour de ce dossier sensible. La prise de contrôle des armes de la police par les prisonniers, le déclenchement d’un incendie dans les bureaux de la prison, et l’exécution de certains détenus, y compris Aboulò et Ady, soulèvent de nombreuses questions.
Face à toutes ces informations, KONSA interpelle la population sur plusieurs points cruciaux : Si les agents de l’APENA étaient effectivement en grève, pourquoi n’ont-ils pas reçu de nourriture pour les prisonniers alors qu’ils les ont autorisés à sortir pour se doucher ? Entre la nourriture et la douche, qu’est-ce qui est le plus important pour les prisonniers ? Si les agents n’étaient pas en grève, qui a été affecté dans la prison ce jour-là, et combien de personnes ? Comment les prisonniers ont-ils pu s’emparer des armes sans qu’aucun agent de l’APENA ne soit blessé ? Aboulò a-t-il vraiment été exécuté avant l’évasion ? Cette agitation a-t-elle été planifiée avec la participation de certaines autorités et agents de l’APENA ? Pourquoi les archives de la prison ont-elles été les premières à être incendiées ? Qui étaient les civils lourdement armés présents ce jour-là ?
Enfin, KONSA fait remarquer que depuis un certain temps, de nombreuses dérives ont eu lieu au sein de la communauté, telles que des discordes entre les autorités locales, des dénonciations réciproques entre les autorités, des policiers de l’UDMO qui ne prennent pas d’ordres du commissaire de police de l’arrondissement, et des hommes armés, cités dans des affaires de meurtres ou d’enlèvements, qui continuent de recevoir la protection des autorités judiciaires et policières lors des opérations. KONSA estime que les autorités elles-mêmes sont les premières responsables de l’évasion à la prison civile de Saint-Marc. Ce sont elles qui ont attisé la situation jusqu’au 16 août, jour où de nombreux prisonniers ont perdu la vie. Ce sont elles qui ont préparé la population pour cet acte de brigandage.
Revendications et appels à l’action
Dans ce contexte, KONSA demande au Ministère de la Justice :
1. De mettre en place immédiatement une commission indépendante, sans la participation des autorités locales, pour faire la lumière sur ce qui s’est passé ;
2. Cette commission doit entendre toutes les autorités impliquées, en particulier le vice-délégué, le commissaire du gouvernement, le commissaire de police et le personnel de la prison ;
3. Une enquête approfondie doit être menée sur le nombre de prisonniers morts, le nombre de ceux qui se sont évadés et le nombre de ceux qui sont toujours en détention.
KONSA en profite pour informer tous les parents et proches des victimes du 16 août à l’intérieur de la prison de Saint-Marc qu’une équipe d’avocats est prête à les accompagner dans une action en justice contre l’État haïtien.
Rappelons que le dernier bilan communiqué fait état d’une quinzaine de détenus tués par les forces de l’ordre au cours de cette mutinerie.
Pour authentification des informations de l’organisation KONSA:
– Me Jeff XAVIERS, Av.
– Me Hermano DESHOMMES, Av.
– Me Strovensky JEAN-BAPTISTE, Av.
Saint-Marc, 19 août 2024.
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